ORDONNANCE IDEALE DU LUPUS
L’ORDONNANCE IDEALE DU LUPUS 2021
Dr Laurent CHICHE - Service de Médecine Interne, Hôpital Européen, Marseille. Email : l.chiche@hopital-europeen.fr
POURQUOI UNE ORDONNANCE IDEAL
Depuis quelques années, nous proposons une Ordonnance « idéale » aux patients atteints de lupus systémique. Celle-ci ne peut servir de base pour rediscuter le contenu de son ordonnance personnelle qu’avec son médecin spécialiste. Le PNDS1 remis à jour en 2017 reste le document de référence mais ne peut bien sûr pas adresser toutes les avancées discutées depuis sa publication. L’année 2020 marquée par la pandémie du COVID n’ayant pas permis de remettre à jour l’Ordonnance 20192, ce que nous allons rattraper en ce début d’année 2021, en tenant compte des questions d’actualités cad liées au COVID et à la vaccination.
1- CE QUI RESTE ABSOLUMENT VRAI
Le rôle délétère du tabagisme, directement sur l’activité de la maladie lupique ou indirectement en empêchant la pleine activité notamment du Plaquenil, a été réaffirmé dans une étude exhaustive des données de la littérature conduite par une équipe française (étude TABALUP)3. L’arrêt du tabac reste donc une des priorités que le lupus soit cutané ou systémique. A l’heure actuelle, l’utilisation de la cigarette électronique (VAP) semble une option satisfaisante dans le cadre d’un plan de sevrage.
Et à l’inverse, il n’y a actuellement aucune preuve scientifique de niveau satisfaisant permettant de conclure que le tabagisme aurait un rôle préventif du COVID ou de ses formes sévères.
2- CE QUI EST CLAIREMENT REMIS EN QUESTION
Certains patients lupiques ont également une pathologie auto-immune associée qui favorise les thromboses (caillots) vasculaires : le syndrome des anti-phospholipides (SAPL). Un traitement par anticoagulant est indiqué au long cours. L’ANSM et les sociétés savantes ont disposé de suffisamment de preuves pour déconseiller l’utilisation des « nouveaux » anticoagulants (ou anticoagulants directs), comme Xarelto, Pradaxa ou Eliquis dans le cadre du SAPL, ces traitements s’avérant moins efficaces que les « vieux » AVK qui restent la référence.
En cas d’infection à COVID, le risque de thrombose est augmenté et les patients lupiques ayant notamment des marqueurs anti-phospholipides et/ou une obésité doivent se voir proposer une prévention « renforcée » par anticoagulants (HBPM selon des protocoles adapté à ce sur-risque).
L’autre médicament remis en question en termes d’efficacité, c’est la Vitamine D. En effet, après avoir suscité de nombreux espoirs ces 20 dernières années dans de nombreux domaines médicaux, il semble que des études rigoureuses mettent à mal l’intérêt de la supplémentation systématique en vitamine D, y compris dans le lupus4 ou à forte dose dans l’ostéoporose5, particulièrement surveillée chez les patients qui reçoivent de la cortisone au long cours.
Il n’existe aucunes données scientifiques solides démontrant qu’une supplémentation en vitamine D puisse avoir un rôle protecteur du COVID ou de ses formes sévères.
3- CE QUI EST ACTUELLEMENT DEBATTU
Le bon dosage du plaquenil, médicament clé du lupus, a été l’objet de nombreux débats cette année. En effet, il est d’usage d’utiliser un dosage de 6,5 mg/kg soit pour une patiente de 60 kg une dose de 400 mg/jour soit 2 comprimés. La toxicité rétinienne survient parfois après 5 ans de prise et justifie après ce délai de réaliser un contrôle annuel chez son ophtalmologue. De récentes recommandations américaines basées sur une étude menée chez des patients n’ayant pour la plupart pas de lupus et plus âgés ont proposé de ne pas dépasser la dose de 5 mg/kg pour diminuer le risque de toxicité rétinienne. Plusieurs experts ont mis en garde contre cette recommandation polémique car l’efficacité du plaquenil est démontrée seulement pour la dose classique et la surveillance ophtalmologique permet de plus de dépister un dépôt rétinien débutant avant toute lésion irréversible6. D’ailleurs, certains patients peuvent se voir proposer des doses supérieures aux 6,5 mg/kg pour des contextes et des durées bien déterminées sans avoir à s’inquiéter inutilement. Rien n’empêche cependant, au cas par cas, avec son spécialiste, de discuter une baisse du dosage si une rémission prolongée a été obtenue (ainsi qu’un arrêt complet de la cortisone).
Il existe actuellement un nombre d’études suffisantes pour démontrer que le plaquenil n’a aucun intérêt dans la prise en charge thérapeutique du COVID ou dans la prévention de ses formes sévères. La prise de ce traitement au long cours n’est donc pas considérée comme un facteur protecteur chez les patients lupiques. Les gestes barrières (masques notamment) et la vaccination sont donc fondamentaux et les informations « validées » sont retrouvées sur le site de la filière FAI2R7.
4- CE QUI EST IMPORTANT
Ce qui reste important c’est le grand nombre de patients non observants, cad ne prenant pas tout ou une partie du traitement recommandé, et cela y compris dans les grands centres experts. Ce taux de non observance approche la moitié des patients et rappelle l’importance d’une part de ne pas surcharger les ordonnances et d’autre part de proposer la participation à des programmes d’éducation thérapeutique8.
Ce qui est très important, c’est la fatigue que ressentent un grand nombre de patients, et ce, paradoxalement, malgré le contrôle des autres manifestations du lupus. Des études françaises récentes donnent des indications précieuses et confirment la fréquence de l’anxio-dépression en cas de fatigue et incite à proposer facilement une prise en charge adaptée à nos patients9,10 cad après avoir écarté les autres causes « physiques » de fatigue, non pas d’augmenter les doses de cortisone ou autres traitements du lupus, mais à proposer de manière complémentaire un large panel de soins non médicamenteux.
5- CE QUE L’ON PEUT ESPERER
La recherche de nouvelles thérapeutiques a atteint un niveau important ses dernières années avec de plus en plus d’essais cliniques mis en place pour évaluer de nouveaux traitements du lupus. Certains essais cliniques internationaux se déroulent en France et les patients peuvent se rapprocher de leurs médecins spécialistes et/ou des associations de patients pour savoir s’ils peuvent participer à de tels essais ou d’une manière générale, à tout protocole de recherche clinique visant à mieux comprendre ou mieux traiter le lupus. En termes d’information, il est recommandé d’être prudent quant aux annonces faites régulièrement sur le Web et de se rapprocher également de son spécialiste car, bien que des données préliminaires encourageantes méritent d’être communiquées, les dernières années ont montré que la majorité des nouvelles thérapeutiques testées ne voyaient pas leurs effets suffisamment confirmés lors des études dites de phase 3. Cependant, le nombre croissant de médicaments testés et les nombreuses possibilités de combinaison possibles permettent de continuer à espérer raisonnablement la poursuite des progrès pour contrôler le lupus.
La participation aux essais cliniques et plus généralement l’initiation d’un nouveau traitement immunosuppresseurs et/ou biothérapie devraient si possible être précédée par la vaccination contre le COVID (2 injections à quelques semaines d’intervalles) pour lesquelles les réponses aux principales questions ont été publiées récemment par la European Lupus Society11.
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REFERENCES
1. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2751894/fr/lupus-systemique
2. https://www.hopital-europeen.fr/lupus2019
3. Parisis D. et al. Autoimmun Rev 2019 ; Sep 11.
4. Winters SJ. Am J Med Sci 2019; 358: 93.
5. Burt LA. et al. JAMA 2019; 322:736.
6. Costedoat-Chalumeau N. et al. Ann Rheum Dis 2019 ; May 2.
7. https://www.fai2r.org/actualites/covid-19
8. https://etpmaladiesrares.com/votre-thematique-lupus-erythemateux-systemique/
9. Arnaud L. et al. Rheumatology 2019 ; 58 : 987.
10. Arnaud L, et al. Rheumatology (Oxford). 2020 Nov 11:keaa671.
11. https://t.co/8DffLDiVO7?amp=1
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Dernière modification le 07/05/2021